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Vie de Jean Nicoli
La première version scénique de Vie de Jean Nicoli a été créée en 2012/2013 dans une mise en scène de Noël Casale. Avec Edith Mérieau et Moustapha Mboup (jeu), Anne Lezervant (scénographie, costumes), Marie Vincent (lumière).
Raconter la vie de Jean Nicoli au théâtre. Pour raconter au théâtre la vie de Jean Nicoli comme je le souhaitais – par tous les côtés en même temps (Cézanne), c’est-à-dire par de nombreux points de vue – j’avais commencé par écrire une dizaine de récits portés par autant de personnages. Mais l’un d’eux a pris de plus en plus de place. Celui de l’épouse de Jean Nicoli : Jeanne Nicoli.
Dans son journal intime, Jean Nicoli la décrit souvent triste, fatiguée, éplorée. Elle semble passer son temps à coudre, tricoter et se plaindre. Or, à voir des photos d’elle, on peut douter de ce portrait assez conventionnel. Elle m’y apparaissait forte et fière, belle, le regard franc et dense, le sourire énigmatique. Elle meurt d’un cancer en 1937, à l’âge trente-sept ans. Ici, sur scène, c’est donc elle qui parle. Jeanne Nicoli. De son mari. D’elle avec lui. De ce que d’autres ont dit ou disent encore de lui. Elle ne l’aura pas connu héros et martyr mais elle en parle aussi dans ces années-là. Au théâtre, c’est possible. Sa parole voyage librement à travers le temps et l’espace. On l’écoute et nous sommes en Corse, c’est la guerre. Puis au fin fond de la brousse ou sur les rives du Niger, quinze ans avant, un jour de tornade – un vieillard noir épuisé par des travaux forcés vient de se pendre. Retour au village, leur enfance et celle du siècle. L’Afrique encore, par les lettres de protestation que Jean écrit pour des tribus maltraitées, par ses premiers engagements politiques, puis nous voici attablés avec des anciens combattants aujourd’hui près de Bastia, en plein midi l’été, il fait chaud, ils se souviennent. Et avec tout ce qu’elle nous raconte – portraits, situations, rêves, méditations… – c’est en creux son histoire à elle que nous découvrons aussi. L’histoire d’une femme qui en nous parlant d’elle à travers d’autres – avec l’histoire des autres – essaie de penser ce qui est arrivé, ce qui arrive, ce qui pourrait arriver.
Les histoires sont l’histoire de tout le monde, jamais d’une seule personne / Orhan Pamuk
Il faut écrire l’histoire du point de vue des vaincus / Walter Benjamin
1. Jean Nicoli
Je suis né à Bastia en 1960 d’un père corse et d’une mère espagnole dans une famille d’ouvriers communistes.
Jean Nicoli et ses camarades de lutte dans la Résistance au fascisme durant la seconde guerre mondiale ont d’abord été (pour moi) des héros de mon enfance. C’est à la lecture de son journal d’Afrique (il y a quelques années) que j’ai découvert l’homme qu’il avait été avant la guerre.
Parti instituteur de la République au Soudan français en 1925 (Mali actuel), il y décèle très vite les pires aspects de la colonisation. Sa conscience politique s’éveille et se forme dans la brousse et le long du fleuve Niger. Retour en France en 1935. Membre du Parti Communiste, fondateur et dirigeant de la Résistance communiste en Corse dès l’armistice de 1940, il est arrêté par l’occupant italien en juin 43, condamné à mort et exécuté brutalement deux mois plus tard. On rend à la famille un corps sauvagement décapité.
Dès ma découverte de cette vie – de cette métamorphose (De la Colonie à la Résistance) – j’ai eu l’envie et l’intuition d’un travail théâtral.
2. Raconter la vie de Jean Nicoli
Pour raconter au théâtre la vie de Jean Nicoli comme je le souhaitais – « par tous les côtés en même temps » (Cézanne), c’est-à-dire par de nombreux points de vue – j’ai commencé par écrire une dizaine de récits portés par autant de personnages – un compagnon d’armes, un administrateur colonial, un fasciste italien, un de ses anciens élèves… Je pensais qu’un seul acteur pourrait dire et jouer ces récits. Mais l’un d’eux a pris de plus en plus de place.
Celui de l’épouse de Jean Nicoli : Jeanne Nicoli.
Dans son journal, Jean Nicoli la décrit souvent triste, fatiguée, éplorée. Elle semble passer son temps à coudre, tricoter et se plaindre. Or à voir des photos d’elle, on peut douter de ce portrait assez conventionnel. Elle m’y apparaît forte et fière, belle, le regard franc et dense, le sourire énigmatique. Elle meurt d’un cancer en 1935, à l’âge trente sept ans.
3. Récit de Jeanne Nicoli
Aujourd’hui, dans mon projet d’écriture, c’est donc elle que j’essaie de faire parler. Jeanne Nicoli.
De son mari. D’elle avec lui. De ce que d’autres ont dit ou disent encore de lui. Elle ne l’aura pas connu héros et martyr mais elle en parle aussi dans ces années-là.
Sa parole voyage librement à travers le temps et l’espace.
On l’écoute et nous sommes en Corse, c’est la guerre. Puis au fin fond de la brousse ou sur les rives du Niger, quinze ans avant, un jour de tornade – un vieillard noir épuisé par des travaux forcés vient de se pendre. Retour en Corse, leur enfance et celle du siècle. L’Afrique encore, par les lettres de protestation que Jean écrit pour des tribus maltraitées, par ses premiers engagements politiques, puis nous voici attablés avec des anciens combattants aujourd’hui en Corse, en plein midi l’été, il fait chaud, ils se souviennent.
Et avec tout ce qu’elle nous raconte – portraits, situations, rêves, méditations… – c’est en creux son histoire à elle que nous découvrons aussi. L’histoire d’une femme qui en nous parlant d’elle à travers d’autres – avec l’histoire des autres – essaie de penser ce qui est arrivé, ce qui arrive, ce qui pourrait arriver.
D’après le texte de Noël Casale publié In Gens de Bastia, Éditions Albiana, 2020
Mise en scène et dispositif scénique Noël Casale
Avec Patrizia Poli et Noël Casale
Costumes Claire Risterucci
Photographies Eric Rondepierre (avec son aimable autorisation) et Jean Nicoli (archive de la famille Nicoli)
Production déléguée Teatru di u Cumunu – Théâtre du Commun (Bastia)
Soutiens Collectivité de Corse, Ville de Bastia, Studio Art’Mouv (Bastia), Una Volta (Bastia)