Bastia, hiver 2021.
Un comédien confiné chez lui travaille seul Les carnets du sous-sol de Dostoïveski.
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Les carnets du sous-sol – L’expérience du meurtre
Bastia, hiver 2021.
Un comédien confiné chez lui travaille seul Les carnets du sous-sol de Dostoïveski. Il lit, dit, joue avec, cherche à y déceler ce qui pourrait lui parler, pour essayer de penser un jour avec ce texte et avec nous le monde dans lequel nous vivons.
C’est en janvier 2021, en pleine catastrophe sanitaire et politique, qu’on s’est lancés dans le projet de travailler Les carnets du sous-sol. Ce projet était le premier d’une série de petites formes à jouer partout. Nous les avions appelées Contre-Feux, en référence à ceux que Pierre Bourdieu a écrit dans les années 90 pour tenter de penser les médias, la télé, le politique… d’alors et on les a sous-titrés d’une phrase du journal de Jules Michelet souvent citée par Walter Benjamin – Chaque époque rêve la suivante. Citation qui nous conduisait à nous demander d’une part, à quoi peut bien rêver nôtre époque pour les suivantes et, d’autre part – comment les précédentes ont pu rêver la nôtre. Probablement pas ainsi qu’elle se présente, surchauffée, pandémique, de moins en moins habitable et sans autre alternative que le prochain IPhone ou le Goulag. Non pas donc la société rêvée par les femmes et les hommes du Conseil National de la Résistance en 1945, mais bien plutôt le rêve pour nous de Ronald Reagan et Margaret Thatcher, un cauchemar climatisé (Henry Miller).
Ce spectacle, qui peut se jouer partout (intérieurs & extérieurs) n’a besoin que d’un espace de jeu de quatre mètres carrés pour y placer un tabouret bas et un cabas en papier et d’un espace public pour 10 à 70 spectateurs.
Pour vous dire quelque chose de notre nécessité et de notre urgence artistique et politique de continuer à jouer ce spectacle, à l’heure de l’extension du domaine de la haine en France, comme partout ailleurs, soutenue avec complaisance et petits calculs à courte vue par tous les régimes néo-libéraux, nous vous invitons à lire ces quelques lignes de Leslie Kaplan.
Un monde en morceaux, éclaté, il se déploie à l’infini, dans tous les sens, pouvoirs et techniques, accomplissements, et en même temps, saturé, saturé, partout et sans arrêt des faits, des petits faits, des opinions, des idées. Un monde ouvert, en expansion, tout est possible, monde libre et sans entraves, mouvement joyeux, et non, le pire arrive, et on le sait, on sait tout déjà, c’est un grand discours lisse, couloirs identiques, présent perpétuel, on s’y déplace, tout est égal, équivalent, un discours d’autant plus grand et total qu’il est en pièces détachées, les pièces s’emboîtent, quel intérêt, on est mort, on nous tue. Notre monde. Dedans, n’importe où, un homme – l’homme du sous-sol – se met à parler, il parle, parle, parle, et sa parole éclatée, inquiète, inachevée, mouvement tournant et creux de sa parole, reprend et abandonne et reprend encore les petits faits, les opinions, les idées, colle au réel, le vrille et le tue, et n’en finit pas et recommence, et à l’image du réel ne s’arrête jamais, mais comment, sur quoi, s’arrêter.
Leslie Kaplan L’expérience du meurtre in Les outils, POL éditeur, Paris 2003.
D’après Les carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski
Traduit du russe par André Markowicz, Actes Sud 1992
Adaptation et mise en scène Noël Casale
Interprétation Xavier Tavera
Photographie : Edvard Munch, Le meurtrier
Production déléguée Teatru di u Cumunu – Théâtre du Commun (Bastia)
Soutiens Collectivité de Corse, Ville de Bastia
Remerciements Una Volta