Liza
Terrazzoni
Née en 1978, vit son enfance entre Ajaccio et Crécy-la-Chapelle. Docteur en socio-anthropologie qualifiée aux fonctions de maître de conférences. Elle fait de la recherche et travaille à l’invention et à la gestion de projets qui allient sciences humaines et arts du spectacle, s’inscrivant dans la lignée des chercheurs dans la cité, qui tissent du lien avec la société, ici et maintenant.
De 2010 à 2020, elle monte et collabore à plusieurs projets de recherche depuis l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris où elle est chercheuse sous contrat et coordonne deux séminaires. Elle rejoint ensuite l’université de Corse qu’elle quitte fin 2022.
Elle commence à expérimenter la psychanalyse en 2015 et fini par définitivement quitter le monde universitaire pour se consacrer à cette discipline, aux arts du spectacle et à la formation des travailleurs sociaux.
Socio-anthropologie de la Corse et des migrations
Dès sa thèse, Liza Terrazzoni mène ses recherches dans le monde méditerranéen sur les relations interethniques, les violences (politiques, criminelles, sociales) et les migrations. Depuis 15 ans, elle œuvre à une socio-anthropologie de la Corse qui croise ces thèmes. Un premier livre, issu de sa thèse, Les autres en Corse. Pour une sociologie des relations interethniques, est publié en 2019 aux éditions Albiana (ouvrage qui remporte le Prix de littérature scientifique au Salon international du livre insulaire d’Ouessant).
Elle y montre comment les frontières ethniques se construisent entre les « Corses » et les « Autres », notamment les « Maghrébins », en décrivant comment ces étiquettes se forment. Elle décrit le rôle des clans et de la parenté, comment la société corse a engendré « son propre dépaysement » et les désordres qui ont suivis. Elle se penche sur les porosités entre affairisme, criminalité et politique et sur le rôle de la violence dans les rapports sociaux. Elle montre finalement comment un certain nationalisme, avec ses logiques violentes, en mettant en scène l’identité corse comme menacée et minorisée, a servi de support à l’oppression des étrangers.
En 2013, elle rejoint un groupe de recherche (EHESS, CNRS) sur l’histoire de l’héroïne en France 1968-2004. Elle travaille en binôme avec l’anthropologue Michel Peraldi sur une sociologie historique de la contrebande et du trafic dans l’espace corso-marseillais. Ils questionnent le rôle de l’ethnicité corse dans le trafic d’héroïne depuis Marseille entre 1930 et 1970 et écrivent deux chapitres du livre La catastrophe invisible publié aux Éditions Amsterdam.
Elle poursuit cette anthropologie de la Corse au sein d’une équipe internationale, pilotée par l’université de Manchester. Entre 2017 et 2021, elle mène, en Corse, une recherche sur les jeunes appartenant à des groupuscules et séduits par les discours anti-musulmans et anti-migrants, publiée ici.
Depuis dix ans, elle a publié plusieurs articles consacrés au terrain corse dans des revues scientifiques et autres.
- « Oh Corse, île d’amours ! », Vacarme (2013).
- « La Corse est-elle le lieu d’une xénophobie spécifique », Le Monde (28-29 juin 2015).
- « ‘Maghrébin’ et ‘Arabe’ : usages et sens des catégories de l’altérité dans les relations interethniques en Corse », Études Corses (2012).
- « La condition minoritaire corse ou la manipulation politique du paradigme de la minorité », DIRE Diversité Recherches et Terrains, Université de Limoges (2014).
- « Sauver les mots », Robba (juin 2023).
- Violence latentes et société corse, in Violences et santé en Corse, acte du colloque de l’ARS, Éditions Albiana (2023).
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A côté du terrain corse, elle a travaillé sur les question migratoires. Convaincue que pour comprendre les phénomènes migratoires actuels il faut ouvrir la focale, elle a commencé à explorer les migrations françaises au Maroc avec Michel Peraldi depuis le Centre Jacques Berque de Rabat.
A suivi, en 2012, un programme de recherche sur les mobilités Nord-Sud. Portée par l’ambition de fédérer un nouveau champ de recherche, l’équipe a été très active (journée d’étude, colloque international, publications).
Plusieurs publications ont suivi :
- Nouvelles migrations ? Les Français dans les circulations migratoires européennes vers le Maroc, Autrepart (Institut de Recherche pour le Développement (IRD) – Presses de Sciences Po) avec Michel Peraldi.
- Un numéro spécial des Cahiers d’études africaines avec Michel Peraldi Anthropologie des Européens en Afrique. Mémoires coloniales et nouvelles aventures migratoires (Editions de l’EHESS).
- Un livre Les Migrations des Nords vers les Suds, avec Giulia Fabbiano, Michel Peraldi et Alexandra Poli (Editions Karthala).
- Un ouvrage collectif Se (dé)placer Mobilités sociales et migrations, avec Jennifer Bidet, Hugo Bréant, Amélie Grysole, Anton Perdoncin et Simeng Wang (Presses Universitaires de Provence).
Bifurcation vers la psychanalyse
En 2020, elle rejoint l’université de Corse et travaille pendant deux ans (2021 et 2022), sous l’impulsion d’André Giudicelli, à une ethnographie du centre pénitentiaire de Casabianda. Située à 70 km de Bastia, c’est là la seule prison ouverte de France, ni murs d’enceinte, ni barreaux, ni miradors. Elle mène plusieurs entretiens avec des détenus et les personnels. Cette recherche est décisive pour elle. Une nécessité à penser autrement, les institutions et ses effets, en dehors des cadres institutionnels, et à se libérer surtout de ces cadres s’ouvre alors.
Jamais vraiment à l’aise dans le monde universitaire, qu’elle a rapidement vécu comme un milieu d’injonctions disciplinaires et productives, elle a toujours cherché à bifurquer. Éprouvant la sociologie et l’anthropologie universitaires non plus comme des disciplinaires émancipatrices mais comme frisant la normativé, elle expérimente d’autres lieux de pensée et se tourne vers la psychanalyse. Elle débute son analyse en 2016.
En 2020, elle commence à travailler avec Stéphane Orly et la compagnie La Revue éclair à partir de textes manuscrits laissés par sa grand-mère, Éliane Moriss, issue de la Casbah d’Alger et tenancière de cabaret. Un spectacle est né : J’ai supprimé les oranges de mes menus.
Ce travail, à la lisère de l’anthropologie, de la psychanalyse et du théâtre, comme le terrain de recherche Casabianda, ont été décisifs dans son désir de birfurcation, aujourd’hui convaincue que l’université, comme la prison, et de nombreuses autres institutions, sont trop aliénantes pour permettre, aux chercheurs comme au public accueilli (étudiants, détenus) de penser de manière créative et de s’approprier leur expérience. Ce qui l’intéresse, résolument, c’est l’individu, sa parole, sa subjectivité, son intimité, son inconscient et sa créativité. Qu’elle va depuis, chercher à appréhender avec la psychanalyse, en intégrant une pensée des institutions, du social et des pratiques artistiques.
Inventions de formes collaboratives, créatives et critiques
En 2006, Noël Casale et Liza Terrazzoni se rencontrent autour d’un projet qui associe théâtre, photographie et histoire de migrations. Depuis, ils n’ont cessé de collaborer autour d’initiatives qui associent théâtre et socio-anthropologie, recherche et création. Salut’à te fut le premier projet créé en 2007 et repris 10 ans plus tard à la saison 2018-2019 après les évènements ayant eu lieu à Prunelli Di Fium’orbu.
En 2015, ils s’associent pour continuer à développer la compagnie née en 1995. Animés par le désir de construire un espace de création et de débat critique en Corse, ils oeuvrent à la rencontre entre habitants, artistes et chercheurs pour travailler à produire ensemble des effets bénéfiques pour chacun autour de questions qui nous occupent chaque jour.
En 2023, elle quitte le monde universitaire pour se consacrer à la psychanalyse, tout en continuant à inventer depuis le Théâtre du Commun des formes collaboratives, créatives et critiques qui donnent à voir le monde autrement et qui cherchent à produire des effets bénéfiques pour tous.