photo / DR
Saison 1999/96
Adaptation et mise en scène Noël Casale
Assistant à la mise en scène Sébastien Derrey
Lumière Maryse Gautier
Scénographie Philippe Binard, Alwyne Dedardel
Costumes Anne Buguet
Conseil chorégraphique Marie-Ève Edelstein
Musique David Lewis
Avec David-Jeanne Comello, Sébastien Derrey, Marie-Ève Edelstein, Marc François, Maïa Gresh, Pascale Nandillon et trois enfants en alternance – Electra Beltan, Emmy-Lou Maintigneux et Maylis Menaoui
Construction du décor Atelier Théâtre de Gennevilliers
Musique / Enregistrement et mixage Boris / musiciens David Lewis (trompette, piano), Frédéric Gaillardet (accordéon, piano), Harry Swift (contrebase), Edmundo Caneiro (berimbau, percussions)
Production Centre Dramatique de Gennevilliers, Théâtre des Deux Roses (Marc François), Les Ateliers Contemporains (Claude Régy), Théâtre Les Deux Traces (ex-théâtre du commun), Théâtre D’arras, Dieppe Scène Nationale, La Fonderie au Mans.
Le Pont de Brooklyn est édité aux éditions P.O.L. Paris (1986)
L’adaptation pour le théâtre de mon roman Le Pont de Brooklyn proposée par Noël Casale est remarquable : c’est un travail de pensée, précis et subtil, à partir du livre, qui en rend compte fidèlement et qui élabore vraiment des solutions scéniques. La ville, le chaos, « tout est possible » et la question des limites : tout est repris à la fois dans le grand mouvement tournant qui déploie le drame et dans chaque dialogue, dans les paroles des personnages-sujets qui existent, circulent, émergent pendant la durée de la pièce. La tension ne faiblit à aucun moment, sans qu’il y ait de concession à un récit purement linéaire. En ce sens, c’est pour moi un projet actuel, qui vise le réel dans son urgence.
L’expérience de la peur
Tout aurait commencé bien avant cette rencontre entre un homme et une enfant accompagnée de sa mère aujourd’hui à New-York. Tous les trois marchent vers une autre femme, puis vers un autre homme. L’homme veut emmener l’enfant voir le pont de Brooklyn. Que veut l’homme ? Pas exactement ce à quoi l’on pense assez vite. Alors quoi ? On n’arrive pas à le dire, donc pas à le penser. Y aurait-il une violence dans ce qui se passe qui empêche de le dire ? De dire que l’on touche peut-être à l’impensable ? Et quelle parole sous l’impensable ?
Aux limites où sont poussés les personnages du Pont de Brooklyn, tout homme peut un jour s’y trouver, les yeux grands ouverts sur tout ce qui n’est plus là, peut-être bien jusqu’au sol de terre sur lequel il croyait se tenir debout et dont le souvenir serait l’ultime paradis d’où il a été chassé. Cependant où l’homme est, quelque chose a lieu et cela suffit à ouvrir un chemin aveugle par où avancer , pas à pas, dans la peur que l’un d’eux puisse le conduire à perdre toute mesure et dans la frayeur de découvrir que l’illusion de liberté goûtée par l’acte démesuré n’est elle-même qu’épouvante.
Un espace que l’on creuserait d’ombres en ombres et par des ébauches d’intérieurs oppressants qui, aussitôt effacés, rendent chacun à l’errance, mu par le rêve de s’arrêter de nouveau sur ce chemin aveugle, dans l’espoir d’y retrouver un lit, une table et des chaises solides, pour en repartir s’enfouir dans la nuit comme pour s’épuiser à miner la tension insoutenable provoquée par l’expérience de la peur. N.C.