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Depuis près de trente ans, u teatru di u cumunu / théâtre du commun cherche à créer de réelles conditions de rencontres entre le travail artistique (création, recherche, enseignement) et les habitants de territoires où ce travail a lieu. Avec Rennu in cumunu, nous plaçons la rencontre entre artistes, chercheurs et habitants des Deux Sorru, des Deux Sevi et de la Corse au cœur de notre démarche. Ici, nous nous exerçons à des pratiques d’art et de recherche dirigées par des artistes et des chercheurs que nous admirons, gratuites et ouvertes à tous. Nous cherchons à produire ensemble – habitants, artistes et chercheurs – des effets bénéfiques pour chacun d’entre nous.
Chaque année, des premiers beaux jours aux derniers, plus rarement au-delà, la Corse court après la fête. Les festivals pullulent. Tout paraît pouvoir être fêté. Les olives, le fromage, le cinéma, la mer, la montagne, le pain, les îles, la littérature, les oignons, la guitare, le vin, le théâtre, bientôt la pizza… etc. etc. Nous semblons suivre ces recommandations de Jean- Jacques Rousseau qui, tout en appelant dans sa Lettre à d’Alembert « à proscrire le théâtre de la République de Genève », réclamait des fêtes : « C’est en plein air, c’est sous le ciel qu’il faut vous rassembler et vous livrer au doux sentiment de votre bonheur (…) Que le soleil éclaire vos innocents spectacles ; vous en formerez un vous-même, le plus digne qu’il puisse éclairer. Mais quels seront les objets de ces spectacles ? Qu’y montrera-t-on ? Rien, si l’on veut. Avec la liberté, partout où règne l’affluence, le bien-être y règne aussi. Plantez au milieu d’une place un piquet couronné de fleurs, rassemblez-y le peuple et vous aurez une fête ».
Nous en sommes là. Pour le théâtre – la discipline qui nous concerne – nous savons que la fête en est un vieux rêve. Sans remonter à ses origines religieuses mythiques, on sait que lors des Dionysies grecques, fête et théâtre ne faisaient qu’un. Depuis, ils se sont bel et bien séparés. Le théâtre moderne repose sur une division entre acteurs et spectateurs et tout ce qui cherche à s’inventer et à se réinventer dans le théâtre contemporain vise plutôt au laboratoire. C’est la position du Teatru di u Cumunu / Théâtre du Commun depuis près de trente ans. D’où la question – la nôtre – aujourd’hui : comment notre laboratoire de théâtre peut-il continuer à oeuvrer sur un territoire essentiellement voué à la notion de Festival, au goût croissant du public pour la consommation de loisirs dits culturels ?
Dès 2020, année où le monde a de nouveau été mis à terre, Rennu in Cumunu a été conçu (et lancé en 2021) pour penser cette question. La réponse que l’on a commencé à se donner : proposer non pas de venir consommer ce que nous aurions fabriqué au préalable, mais, en un temps et lieux autres, entrer dans le laboratoire, s’exercer à des pratiques d’art et de recherche, dirigées par des artistes et des chercheurs que nous tenons en haute estime.
Autrement dit, participer à Rennu in Cumunu c’est se (re) mettre en travail (au pire moment, en Corse, de la vague touristique) et chercher à produire ensemble – habitants, artistes et chercheurs – des effets bénéfiques pour chacun d’entre nous. Non pas donc – pour parler comme Gilles Deleuze parlant du Hamlet de Carmelo Bene – un festival de plus (où se distraire et se divertir culturellement) mais un festival de moins.
Presque une mise en question donc de la notion même de festival.
Ce in Cumunu / en commun , qui avait un sens évident et fort pour nous, aussi bien à la création du Teatru di u Cumunu (1995) comme de Rennu in Cumunu (2021), n’est plus aujourd’hui qu’un mantra que l’on prononce presque machinalement, comme on avalerait des tranquillisants. Le tout récent résultat des élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale par le chef de l’État nous place (nous, la France) à trois semaines d’un possible nouveau gouvernement avec un premier ministre xénophobe, un(e) ministre de l’Intérieur raciste et un(e) ministre des Affaires étrangères pro-Poutine.
On n’est ni des spécialistes ni des malins mais, enfin, nous avions bien observé depuis longtemps que nos sociétés sont de plus en plus morcelées et gangrénées par les puissances de mort des extrêmes droites et que les apprentis sorciers qui jouent avec depuis quarante ans (une très large partie de la classe politique française) ne seront évidemment pas les premiers à en payer le prix. Nous non plus peut-être d’ailleurs. Je veux dire au quotidien. Il est tout à fait possible que l’on continue à partir en vacances, à surveiller son poids et aller chez le coiffeur, comme si tout cela n’était qu’un film, un mauvais présage, une hallucination. Là où ça va gravement morfler, c’est du côté des pauvres, des migrants, des fous, des malades, des sans-abris, des drogués, des femmes, des pédés, des transgenres, des noirs, des arabes, des illuminés…. (Liste non exhaustive).
Mais comme nous sommes encore une compagnie de théâtre de service public et, à ce titre, soutenus par des pouvoirs publics, il est de notre devoir et de notre nécessité de nous demander – a fortiori dans un état aussi dégradé de la société – à qui on s’adresse, pourquoi et comment.
Alors, pour essayer de comprendre ce qui se passe et d’imaginer dans quelle configuration la notion du in cumunu / en commun pourrait reprendre vie et sens, nous avons choisi de réfléchir cette année à ce qu’il en est aujourd’hui, du soin, de l’attention, de la relation et de la perception du en commun pour chacun(e) d’entre nous.
Gratuit et ouvert à tous
Renseignements et réservations : 06 14 98 18 09
Cette année, Rennu in Cumunu a été lancé dès le mois de mai avec une résidence d’artistes à l’EHPAD Jeanne d’Arc de Vicu. Le poète Stefanu Cesari et le dramaturge Noël Casale y ont conduit des ateliers de parole, de lecture et d’écriture avec des personnes âgées et des membres du personnel. C’est à partir de ce qu’ils ont commencé à y écrire que nous vous proposons de nous retrouver en août pour le programme suivant :
Gratuit et ouvert à tous
Né en Normandie, Johnny Lebigot étudie la littérature à Caen à la fin des années 1990. À cette époque, il écrit et collectionne les végétaux et va même jusqu’à croiser ces deux pratiques dans Brins d’histoire, un conte qui, s’il aborde l’impossibilité de nommer, fut tissé à partir de graminées.
À 23 ans, parallèlement à son travail plastique naissant, ce passionné de chanson française devient programmateur culturel à Stains en Seine-Saint-Denis. Il y développe une activité autour des musiques improvisées et consacre un lieu à des expositions.
En 2003 il rejoint l’équipe du théâtre L’Échangeur à Bagnolet, de 2008 à 2017 il en est le co-directeur, et initie avec Régis Hebette une programmation autour de formes innovantes.
En 2005, à l’invitation de Thomas Chevalier, un ami peintre et décorateur de cinéma, ému par son étonnante collection qui ne cesse de s’enrichir, Johnny Lebigot imagine sa première table intitulée La Nature et l’Absence.
Depuis, il multiplie les expositions – une quinzaine à ce jour – et les formats : sculptures, installations, performances. Ses œuvres poétiques sont centrées sur une recherche des formes, sur la confusion des règnes.
Tous les matins du 4 au 7 août 9h30-12h30
Pour notre atelier du matin, nous partirons en récolte autour du village. Le premier jour avant de commencer la cueillette, j’aimerais que nous rejoignions le chêne dont nous avons pris soin l’an passé et que nous y réalisions une série photographique. Autour, sur, ou dans ce si fabuleux Quercus de nous, nous jouerons du style galant.
Noël Casale et Stefanu Cesari
Stefanu Cesari est né en 1973 à Porto-Vecchio, Stefanu Cesari concentre sa vie autour de la poésie. Auteur de langue française et de langue corse, il pratique une écriture bilingue où les langues se répondent.
Il est aussi traducteur de poésie contemporaine, a participé à plusieurs revues et anthologies [Poésie Première, Décharge, Koan, Nu(e), 12×2, Recours au poème, Une Fenêtre sur la mer, Voix Vives de la Méditerranée…] et organise les Lectures poétiques du halo à Bastia.
Il reçoit le prix Louis Guillaume du poème en prose, en 2019, pour le recueil Bartolomeo in cristu.
Il a publié : Mimoria di a notti, Albiana (2002) – A lingua ‘lla Bestia/ Forme animale, A Fior di carta (2008) – Genitori, Presses littéraires (2010) – Le Moindre Geste/ U mìnimu gestu, Colonna 2012 – Bartolomeo in cristu, éditions Éoliennes (Prix du poème en prose Louis Guillaume 2019) / Prighera par l’armenti / Prière pour le troupeau, Cahiers de l’Approche (2019), Peuple d’un printemps / pòpulu d’una branata, éditions Éoliennes (2021).
Noël Casale est auteur et metteur en scène.
Tous les matins du 4 au 7 août 9h30-12h30
Dans le cadre d’une résidence d’écriture au sein de la Maison Jeanne D’Arc, Ephad et tiers-lieu de Vicu, nous (Noël Casale et Stefanu Cesari) avons recueilli auprès des résidents et des personnels soignants, récits de vie, souvenirs, pensées et tout ce qu’ils ont bien voulu nous confier. Ces mots, très précieux, sont la matière que nous prolongerons ensemble lors d’ateliers croisés de lecture, d’écriture et de théâtre en langue corse et française. Nous chercherons dans nos propres mémoires des chemins à parcourir, de l’enfance au grand âge, et partageant les questions suscitées, les émerveillements aussi.
In u quadru di a residenza di criazioni purtata da Noël Casale è Stefanu Cesari, in cori di a Casa Jeanne D’Arc, Ephad è terzu locu in Vicu, quist’annu di branu, avemu accoltu a parola di i risidenti, raconti di vita, cunsidarazioni, suvveniri, tuttu ciò ch’eddi ani vulsutu cunfidàcci. Sti paroli priziosi, sò a materia che no pralungaremu insembu duranti l’attelli di Rennu in cumunu, travaddendu littura è ghjocu. Circaremu in a nostra mimoria a strada chì và da a ziteddina sin’à a grand’ità, spartindu i quistiunamenti, u piaceri d’essa aduniti.
Parallèlement à son parcours de création, il initie des ateliers de recherche chorégraphique autant auprès de professionnels que d’amateurs, d’enfants, d’adolescents, d’adultes et de seniors, de personnes autistes ou détenues. Officier des Arts et des Lettres, Lauréat de la Villa Médicis Hors les Murs, de l’Unesco et du Prix Chorégraphe SACD, il intervient auprès d’écoles d’art, de conservatoires supérieurs d’art dramatique et chorégraphique, d’associations de quartiers, d’hôpitaux et de prisons dans différentes villes en France et à l’étranger.
Il collabore cette saison auprès de différents metteurs en scène, chorégraphes, comédien.ne.s et musicien.ne.s pour des créations partagées.
Avec Anne Alvaro, Ariane Ascaride, Marie Desplechin, Alice Diop, Dominique Blanc, Léna Paugam, Babouillec, Amélie Bonnin, Juliette Armanet, Tiphanie Romain, Roxane Revon, Nicolas Bazoge, Johnny Le Bigot, Noël Casale, Lucien Zayan, Bastien Bouillon François Rollin…
Thierry Thieû Niang est artiste associé à la MC93 à Bobigny, au théâtre CDN de Lorient, au French institut et The Invisible Dog Art Center à New York.
Inviter chacun.e, toutes générations et expériences confondues, à traverser un mouvement dansé, des gestes en présence du présent, in situ, dedans, dehors. Ce travail d’observation des corps en partage sera mis en place, dans une recherche sensible et ludique, à partir de jeux et d’exercices d’écoute, de déplacements et autres mouvements inventés. Nous questionnerons la notion de care, c’est à dire comment en dansant, nous pouvons prendre soin de l’espace, de l’autre, du temps qui est et qui fuit et ainsi danser avec la douceur du proche, du simple, du sauvage, du lent et du tout petit, pour nous soulever en ce salutaire élan qu’on pourrait appeler : sauve qui peut la vie !
Du solo au groupe, de l’individu à la communauté, ce sont les écarts, les différences qui font lien vers le commun : Danser ensemble.
Avec Noël Casale, Johnny Lebigot, Stefanu Cesari et Thierry Thieû Niang
Tous les après-midi 14h00- 18h00 du 4 au 7 août sauf le mardi 6 août 14h00 – 16h30.
Ouvert à tous, à partir de 7 ans.
Cette année, nous (nous) proposons de créer un spectacle en quatre demi-journées. Une performance.
Avec les textes des résidences et des ateliers d’écritures Storie d’amori mis en voix et en jeu par N. Casale et S. Cesari, dans un mouvement dansé orchestré par T. Thieû Niang, dans un décor (un temple, une folie) et des parures (fleurs, animaux) réalisés sous la conduite de J. Lebigot.
Ce spectacle sera présenté au public le mercredi 7 août pour la soirée de clôture.
La musique d’A Filetta est une traversée. On pourrait dire qu’il s’agit d’une tradition vocale polyphonique contemporaine, exigeante, audacieuse, issue d’une puissante tradition orale.
C’est en 1978 que de très jeunes gens – parfois adolescents, mus par une volonté farouche de contribuer à la sauvegarde d’un patrimoine oral en plein déclin – se sont mis en route… et leur route aura été longue, parfois sinueuse mais jalonnée de découvertes et de rencontres exceptionnelles. Les chanteurs avouent d’ailleurs volontiers que « la rencontre » est inscrite dans leur ADN musical. C’est ce qui explique probablement qu’ils n’aient pas voulu circonscrire leur voyage au périmètre de leurs racines : poussés par les rivages d’une tradition reçue en héritage, ils se sont très vite ouverts à d’autres : autres territoires, autres disciplines, autres artistes (interprètes, compositeurs, metteurs en scène, chorégraphes).
Une musique au service d’une vision du monde rejetant sans ambiguïté tout repli identitaire et dont la philosophie pourrait se résumer à ce bel aphorisme de René Char : « Les plus pures récoltes sont semées dans un sol qui n’existe pas ; elles éliminent la gratitude et ne doivent qu’au printemps ».
Dimanche 4 août à partir de 10h.
Cette année encore, l’atelier sera animé par les six chanteurs. Ouvert à toute personne ayant déjà chanté.
Mardi 6 août 16h30 – 19h
L’après-midi du 6 août (1), nous formerons un cercle d’écoute et d’attention, dans un jardin de Rennu ou sur la place de l’église, pour réfléchir ensemble à ce que peut bien vouloir dire aujourd’hui « In cumunu / En commun ».
Face au morcellement de plus en plus marqué de nos sociétés et à la difficulté de saisir les liens entre les différentes parties qui les composent, nous souhaitons ouvrir un dialogue avec des personnes (2) qui, dans leurs pratiques respectives, travaillent à l’attention, à l’écoute et à la relation dans des lieux de soin (3).
(1) Au lendemain de la projection de Valeria Bruni Tedeschi et Thierry Niang « Une jeune fille de 90 ans ».
(2) Artistes, chercheurs, aides soignant.e.s, médecins, psychanalystes…
(3) À partir, notamment, de la résidence d’artistes de Stefanu Cesari et de Noël Casale à l’EHPAD de Vico en mai 2024.
Samedi 3 août
15 h et 19h ROMEO E GHJULIETTA / La guerre des pères ne devrait pas passer aux enfants – deux représentations du spectacle 15h et 19h (en raison de la jauge réduite)
20 h Rencontre publique autour du spectacle suivie de la présentation de la quatrième édition et d’un verre avec les artistes dans les jardins de Sipòfà
Dimanche 4 août
18h00 RÉCITAL A FILETTA – A l’issue de leur journée d’atelier, les six chanteurs nous offriront un tour de quelques chants de leur composition
Lundi 5 août
21h CINEMA – Une jeune fille de 90 ans de Valéria Bruni-Tedeschi et Yann Coridian – Au service de gériatrie de l’hôpital Charles Foix d’Ivry, Thierry Thieû Niang, chorégraphe de renom, anime un atelier de danse avec des patients malades de l’Alzheimer.
Mardi 6 août
19h30 Performances LECTURE Noël Casale et DANSE – Thierry Thieû Niang
Mercredi 7 août
A partir de 19 h SOIRÉE DE CLÔTURE Restitutions publiques de l’atelier création interdisciplinaire
Collectivité de Corse
DRAJES
DRAC Eté culturel 2024
Associu Sipòfà
Affiche : Xavier Dandoy de Casabianca