bastia, au bord de la mer bleue

Six pièces d’inactualité
23 novembre – 15 décembre
Les six spectacles que nous présentons à Bastia cet automne visent à mettre en jeu des questions qui nous occupent depuis près de trois ans.
Au départ (printemps 2020), notre intention était de présenter, avec ces six petites formes théâtrales (solos, duos, trios), des gens qui, confinés chez eux, essaient de travailler – d’écrire, de lire, de réciter, de jouer – et de penser ce qui nous arrive, ce qui pourrait arriver. Des sortes de « pièces d’actualité ». Aujourd’hui, il faut bien reconnaître que l’on s’est plutôt occupés d’inactualité, d’hymnes à la nuit, de figures, de méditation sur l’histoire au lieu d’histoire, de repos au lieu d’action, de mondes intérieurs au-delà des choses de l’actualité.
Quatre de ces spectacles nous invitent à entrer chez des gens de Bastia. 
Comme s’il ne s’agissait que d’observer comment ont vécu ici quelques personnes, en des temps de grand renfermement. Un homme lit Les carnets du sous-sol de Dostoïevski et se met à jouer avec. Monologue féroce et imprécatoire d’un personnage humilié et réfugié dans une cave de Saint Pétersbourg depuis quarante ans. On voit un vieux comédien qui essaie de réaliser tout seul chez lui un de ses plus vieux rêves : jouer Minetti de Thomas Bernhard. Discours d’un autre vieil acteur qui, enfermé chez sa sœur en Bavière depuis plus de trente ans, finit par se rendre à Ostende pour attendre un directeur de théâtre qui ne viendra jamais afin de réaliser son rêve : jouer Le roi Lear. Une femme se met à réciter des fragments prélevés dans un de ses livres de chevet – un roman norvégien de Tarjei Vesaas, comme pour se délivrer d’un deuil ancien, On disait que cette montagne de glace ressemblait à un palais. Le 14 avril 2020, une autre femme invite un ami à dîner chez elle pour lui faire découvrir ce qu’elle écrit à partir de l’impossibilité d’un voyage en Italie qu’elle avait pourtant prévu de longue date. Bastia an zéro vingt. Et voici qu’un vieillard assis paisiblement sous une lampe, un homme qui semble ne jouer que pour lui ou des femmes qui lisent et écrivent aujourd’hui à Bastia, nous invitent à percevoir d’eux comme une sphère secrète et inaccessible au cœur même de leur monde privé – on pense au dedans du dedans dont parlait Daniel Arasse à propos de Vermeer.
Les deux autres spectacles traitent ouvertement de crises et de naufrages.
Poésie contemporaine, philosophie politique, sciences économiques.
Deux comédiens se détournent de la lecture d’un poème – Le naufrage du Titanic de H.M. Enzensberger – pour faire (contre) feu de tout bois et mettre en question non seulement les responsabilités de ce naufrage, mais aussi, plus surprenant, celles qui ont conduit au crash du vol AF447 Rio-Paris le 1er juin 2009, Il n’y a pas d’or au fond des mers. Les deux mêmes comédiens se reprennent à ferrailler avec un dialogue entre Frédéric Lordon et Bernard Friot, orchestré par une jeune lycéenne qui joue Amélie Jeammet (professeur de sciences économiques), au sujet d’autres naufrages – politiques, sociaux, philosophiques, individuels, collectifs, réels ou symboliques – pour remettre en travail l’idée du communisme, Un chercheur ne lance pas des bouteilles à la mer.
Ce que les six spectacles ont en commun.
Il y a dans un film de Pedro Costa que nous admirons – Dans la chambre de Vanda – une séquence magnifique. Deux garçons vont être chassés de leur maison qui doit être détruite. L’un des deux se met à nettoyer méticuleusement une table promise à la casse. On comprend qu’il veut la garder. Il gratte avec une lame. Il gratte, il gratte. Cela n’a rien d’exaltant, mais quelque chose dans ce grattage obstiné s’impose comme une espèce de santé, une volonté vivante d’agir. Peut-être en effet pour la garder, mais peut-être bien aussi pour essayer de donner forme et beauté à un objet voué à disparaître au cœur même d’un quartier en destruction.

Je ne saurais mieux dire ce qui nous a tenu à cœur et debout depuis trois ans à Bastia.
N.C


CALENDRIER

23 & 24 novembre 20h30 Alb’Oru Bastia
3 & 4 décembre 19h Studio Art’Mouv Bastia
14 & 15 décembre 20h30 Aghja Ajaccio
BASTIA AN ZÉRO VINGT
Texte (français, corse & italien) et mise en scène Noël Casale (Éditions Éoliennes, 2022)
Avec Valérie Schwarcz, Alice Serfati, Xavier Tavera
Scénographie & Costumes Anne Lezervant / Lumière Pierre Peyronnet
Bastia, soir du 14 avril 2020. Intérieur nuit. Une femme, un homme, puis une jeune femme. Confinés. La femme aurait dû être à Rome. Très vieille promesse d’y retrouver quelqu’un. Mais le monde est à terre depuis un mois et la mer est un mur. On parle toute la nuit comme on remonte un fleuve. Plus grand-chose où s’appuyer au point du jour, sinon au vent qui se lève pour nous réveiller, peut-être, d’un sommeil qui nous a prévus longuement.
Affiche : Xavier Dandoy De Casabianca

26 & 27 novembre 19h Studio Art’Mouv Bastia
ON DISAIT QUE CETTE MONTAGNE DE GLACE RESSEMBLAIT À UN PALAIS
D’après le roman de Tarjei Vesaas Palais de glace Palais de glace (Norvège 1963)
Traduction Jean-Baptiste Coursaud (Ed. Cambourakis, 2014)
Conception, mise en scène et jeu Noël Casale, Cora Laba
Voix Carmela Casalonga, Paule Combette, Romane Mametz-Labaeye, Ava Sicurani
Nuit noire. Deux voix d’enfants. Deux petites filles dans une chambre. Vibrations, craquements, explosions sourdes et lointaines. Lumière. D’abord une femme, en deuil et comme endormie. Elle parle de ce qui a dû se passer un jour pour l’une des deux enfants. Hymne à la nuit, cas de réduction extrême, d’ascèse. Au lieu d’action, le repos. Au lieu d’une histoire, une méditation sur l’histoire. Sommeil. Puis un homme. Avec des fleurs, des oiseaux et une lettre…

29 & 30 novembre 19h Studio Art’Mouv Bastia
LES CARNETS DU SOUS-SOL
Fédor Dostoïevski (1821-1881)
Traduction André Markowicz (Actes Sud 1992)
Adaptation et mise en scène Noël Casale
Interprétation Xavier Tavera
Bastia l’hiver. Un comédien confiné chez lui travaille seul « Les carnets du sous-sol » de Dostoïveski. Il lit, dit, joue avec, cherche à y déceler ce qui pourrait lui parler, pour essayer de penser un jour avec ce texte et avec nous le monde dans lequel nous vivons.
Affiche : Edvard Munch

6 décembre 12h30 et 18h30 Una Volta Bastia
MINETTI Portrait de l’artiste en vieil homme
Thomas Bernhard (1931-1989)
Traduction Claude Porcell (L’Arche Éditeur 1983)
Conception et mise en scène Noël Casale
Avec Jacques Filippi, Anne Malaspina
Bastia l’hiver. Confiné chez lui, un vieux comédien travaille seul une pièce qu’il rêve de jouer depuis trente ans, Minetti, portrait de l’artiste en un vieil homme qui, confiné chez sa sœur en Bavière depuis plus de trente ans, a rêvé de jouer le Roi Lear.
Credit photo affiche : Eric Rondepierre

9 décembre 12h30 & 10 décembre 16h Una Volta Bastia
UN CHERCHEUR NE LANCE PAS DES BOUTEILLES À LA MER / Conversations sur le communisme
À partir du livre En travail-conversations sur le communisme de Bernard Friot et Frédéric Lordon avec la journaliste Amélie Jeammet (Éd. La Dispute, 2021)
Conception et mise en jeu Jenny Delécolle, Pascal Omhovère
Dispositif scénique Jean-Claude Joulian
Avec Noël Casale, Maya Fried, Pascal Omhovère
Co-production Sub Tegmine Fagi / Operae (Ajaccio) / teatru di u cumunu – théâtre du commun (Bastia).
Environnés de livres et d’une toile posée sur un chevalet, les acteurs Noël Casale et Pascal Omhovère restituent une partie d’un dialogue entre B. Friot et F. Lordon. Accords et désaccords se déploient alors comme en un art de la fugue de haute voltige orchestré par la jeune comédienne Maya Fried.

8 décembre 18h30 & 10 décembre 18h30 Una Volta Bastia
IL N’Y A PAS D’OR AU FOND DES MERS
D’après Le Naufrage du Titanic Hans Magnus Enzensberger (1978), Une pluie de cristaux de glace Renaud Watwiller (In la Revue Le Tigre N° 21 / septembre 2012) et Aspects admirables de l’enquête sur le naufrage du Titanic Joseph Conrad (1912).
Conception et jeu Noël Casale et Pascal Omhovère
Deux comédiens se présentent pour lire Le naufrage du Titanic, une comédie de H.M. Enzensberger, avant de s’en détourner pour lire et dire d’autres textes qui témoignent et questionnent, par d’aussi belles échappées poétiques, de nombreux autres naufrages, individuels et collectifs, réels et symboliques de notre temps. Se pencher vers le passé parce qu’on ne sait pas de quoi est fait le présent et sera fait l’avenir.
C’est bien ça qu’on appelle être devenu un vieux con, non ?

PARTENAIRES DE NOTRE PROGRAMME D’AUTOMNE
Production déléguée Teatru di u Cumunu – Théâtre du Commun (Bastia)
Collectivité de Corse – Ville & Théâtre de Bastia – Studio Art’Mouv (Bastia) –  Centre Culturel Una Volta (Bastia) –  Aghja-Scène d’Ajaccio – Cie Créacirque (Ajaccio) – Hôtel IBIS Ajaccio – Espace Diamant, Ville d’Ajaccio (en 2016) – Operae (Ajaccio) – Sub Tegmine Fagi (Ajaccio) – Associu Sipòfà (Rennu) – Centre National de Création Musicale Voce (Pigna) – ARIA Corse –  Festa di a Lingua 2022 (Collectivité de Corse) – Théâtre Joliette-Minoterie, Théâtre de Lenche (Marseille) –   L’R de la Mer (Marseille)  – L’Atelier du Plateau (Paris) – L’Accord Parfait (Paris).

ARTISTES ET CHERCHEURS ASSOCIÉS 2022

A FILETTA (Chant) – Stefanu CESARI – Fabienne COMPET (Danse-Feldenkraïs) – Thierry de PERETTI (Cinéma) – Jacques FILIPPI (Théâtre) – Leslie KAPLAN (Littérature) – Cora LABA (Chant) – Johnny LEBIGOT (Arts plastiques – Land Art) – David LEWIS (Musique) – Heitor O’DWYER de MACEDO (Psychanalyse) – Pascal OMHOVÈRE (Théâtre) – Célia PICCIOCHI (Musique) – Valérie SCHWARCZ (Théâtre) – Liza TERRAZZONI (Sociologie-Anthropologie) – Xavier TAVERA (Théâtre) – Loïc TOUZÉ (Danse).

 


 

RENSEIGNEMENTS / RÉSERVATIONS / INSCRIPTIONS

06.77.99.40.78 (Noël Casale) noel.casale@yahoo.fr
06.74.65.33.45 (Liza Terrazzoni-Casale) liza.casale@gmail.com

 

 

 

 

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